Ahmad avait beaucoup à faire pour mettre en place sa guilde « parfaitement », c’est-à-dire sans attirer l’attention des hauts placés Amariens ou même du Royaume. Il y a des jours, l’un comme l’autre était une véritable épine aux pieds … La difficulté ne montait que d’un cran lorsqu’il fallait « recruter ». Comment le faire sans que quiconque ne répande une stupide rumeur dans tout Jawhar ? Certes, il pouvait contenir et même étouffer les rumeurs dans les quartiers malfamés mais guère contrôler le reste … Le reste, soit un vaste étendu de vie et d’êtres bavards, sous le contrôle des « Autres » ou accessible au Sultan.

Un de ses moyens de recrutements était très simple : amener plus ou moins son futur candidat à lui en travers d’une ou deux missions. Il avait entre autre eut vent d’un nouveau assassin en ville dont les talents seraient prometteurs. Une petite rumeur qui était venue aux oreilles du Régulateur, et qui n’avait qu’aiguiser sa curiosité.

Ainsi donc, grâce à un stratagème fort simple, il réussit à attirer ce fameux petit Assassin à lui. Cependant, loin de lui mâcher le travail, il n’avait nullement donné pour cible quelqu’un de simple comme sa propre personne sous l’identité du Régulateur – un être bien trop aisé à suivre et à coincer – mais clairement son alter-égo, le Masque Blanc. Une identité peu connue et, surtout, difficile à tracer avec aisance.

Il n’y avait qu’un moyen de retrouver ce fameux masque blanc : dans une vieille bâtisse, dans un coin abandonné de la ville, où divers petits brigands traînaient, s’entraînaient ou discutaient – ou se battaient. Un véritable méli-mélo de l’ombre où il était difficile de savoir quelle sera la prochaine rencontre pour les non-initiés à ce lieu. Un endroit où le « Masque Blanc » appréciait s’y promener car il entendait mille et une chose, un lieu où le Régulateur n’était pas la bienvenue au risque de se faire trancher la gorge.

Ainsi donc, l’homme se promena dans ce lieu insolite, à l’affût de différentes opportunités. Il était loin de deviner que le petit assassin était dans les parages, et qu’il était donc à deux doigts d’être pris par sa propre cible.

Que faisait-il à cet instant ? Il allait d’une personne à une autre, susurrait quelques mots, échangeait deux ou trois choses – quelques piécettes en échange de quelques informations ou autres services. Cependant, il n’en était pas moins sur ses gardes : il était entouré par la pire ordure de Jawhar après tout, depuis sa naissance, et a été élevé et conditionné pour être le premier à frapper …

Même si Ahmad était sur le qui-vive, il ne pouvait guère prédire tous les dangers de ce lieu et de cette nuit. Certains jours, il acceptait l’idée que sa vie dépendait du bon vouloir de quelques dieux et déesses cruelles ou, et, capricieux. Des jours, ces personnalités invisibles – réelles ou imaginaires – semblaient avoir une dent à son égard en lui imposant obstacle sur obstacle. D’autres jours, il semblerait qu’elles aient eu pitié de lui et qu’elles ont accepté de faire une entorse à leur mauvaise humeur.

Aujourd’hui, c’était l’un de ces fameux jours. L’assassin dépêchait par ses soins avait su attirer l’attention sur lui. Sans cette petite agitation naissance, ces murmures ou encore paroles, il n’aurait nullement su qu’il avait été filé en cet antre même. Un petit sourire se dessina derrière ses lèvres. Il était amusé d’une part par l’erreur enfantine de cet homme mais tout autant « content » de voir la réactivité de ce dernier à l’égard de l’importun.

Profitant de cette agitation, et de cette foule qui commençait à se former, il fit un tour sur lui-même pour fuir par une des ouvertures de ce lieu. Cependant, si sortir n’avait guère était « compliqué », le faire discrètement était tout bonnement impossible. D’une, il avait un masque blanc – chose inhabituelle si on réfléchit bien – et de deux, un homme venait de braquer un joli couteau aiguisé sous la gorge d’un autre, montant la méfiance déjà bien présente de ces gens.

« Cependant, cela n’est guère amusant de fuir et d’avoir, encore, à attendre son arrivée. Voyons plutôt ses talents au combat » se disait-il.

Il avait eu vent des talents de ce garçon mais ces derniers temps, il semblerait que ce n’était que petites maladresses et échec. Ahmad était intimement persuadé que c’était dû à Jawhar en lui-même, ville qui ne cessait de remettre en cause les capacités et compétences de plus d’un. D’un jour à l’autre le chat devenait la souris et la souris était le chat ! Un jour on était au sommet, et un jour on était au plus bas … Rien n’était éternel, surtout pour les Amariens dont l’espérance de vie était la plus courte.

« Courte mais remplie » se disait-il.

Des quatre peuples qui foulaient ce continent, les Amariens avaient toujours été les plus prompts à agir et à s’ouvrir aux mille et une possibilités que ce monde offrait. Par exemple, les Mordrak ont tous refusés de bloc l’aide du roi Alderic I et ils sont encore – et toujours – au plus bas en terme d’évolution et de confort. Certes, les inégalités sont présentes sur les terres amariennes mais il y a « au moins » des inégalités alors qu’à l’époque, tout le monde avait été à la même enseigne soit l’extrême pauvreté. Une terrible époque que plus aucun enfant adulte de Jawhar n’a connu, si ce n’est en travers d’histoire.

Et il attendit. Encore et toujours. Par où le petit assassin allait-il sortir ? Allait-il le surprendre par x et y manière ? Il attendait donc, les sens peu aux aguets car concentrés principalement sur l’entrée devant lui ainsi que les deux ruelles autour de ce bâtiment, comme le haut du bâtiment. Hormis ces lieux, il ne pouvait sortir de nulle part … n’est-ce pas ?

Spoiler:

Pendant qu’Ahmad attendait sagement, il fut agréablement surpris par le mouvement soudain de la foule. Toutes personnes arpentant ces lieux fuyaient en hurlant tantôt au feu, tantôt au poison, tantôt à la folie. Le Régulateur ne pouvait guère dire quelle hypothèse était vraie car dû à la fumée, il pouvait se douter du feu ou encore laisser son imagination prétendre que c’était un terrible poison volatile. Dans les deux cas folies.

« Ou alors … ».

Il n’eut guère le temps de formuler sa pensée bien plus car il fut surpris par l’apparition de Talal juste derrière son dos. Soit, le petit assassin avait finalement réussi à le surprendre. Un petit sourire s’étira sur ses lèvres – non-visibles – derrière son masque blanc. Il finit par se retourner doucement, sans geste brusque, et en levant à demi les bras en signe de reddition. Cependant, lever totalement les bras n’était guère malin dans une foule aussi intense …

- Vas-tu me croire si je te dis que ta vraie mission n’est pas de me tuer, mais de me retrouver et me surprendre ? demanda-t-il.

Toujours est-il qu’Ahmad – alias le Masque Blanc ce soir – restait sur ses gardes, prêt à dégainer dague pour fuir, ou lever poing et pied pour combattre jusqu’à obtenir raison, ou prouver ses dires. Cependant et il l’espérait, il n’y aura pas à aller à de telles extrémités.

- J’ai un papier, signé par ton commanditaire même. Lis, si tu ne me crois pas.

Sauf qu’il n’avait pas ce morceau de papier ridicule. Soi-disant lettre qui était dans sa demeure au nom du Régulateur, soit Ahmad Ibn Salih. Il ne pouvait se permettre de détruire sa seconde et récente identité aussi vite et pour un Assassin qui n’avait ni juré fidélité, ni fait ses preuves pour le projet qu’il avait en tête.

Comment faire ?

- Je te propose même d’aller voir le commanditaire si mon bout de papier n’est guère une preuve convaincante. Je dirais même, allons le voir afin de récupérer notre récompense, n’est-ce pas ?

Le commanditaire trainait sans cesse dans une même et unique Auberge qu’on nomme Auberge du Pendu. Les assassins et criminels notoires s’y rendent … On pourrait croire que c’est au cœur de la Rue Assassine – quartier mal famé de Jawhar – mais que nenni. C’est dans coin du quartier portuaire, lieu bouillonnant de vie de jour comme de nuit.

- Allons à l’Auberge du Pendu … ou alors allons-nous nous battre ici jusqu’à ce que mort s’ensuive ?

Il donnait le choix à ce petit Assassin … Selon les futures paroles, ou actes, il fera sa proposition.

- Préfères-tu accomplir une mission jusqu’au bout sans dévier. Ou alors désires-tu comprendre, quitte à perdre de son temps ou ne pas accomplir la mission ?