Quelques jours s'étaient écoulés depuis que leur petit village avait été attaqué. Les recherches des guerriers du clan Dunderas n'aboutirent à aucune information supplémentaire. La seule chose qu'ils savaient, était qu'un autre clan Mordrak était à l'origine de cette tragédie. Depuis, Kar avait reprit les reines tristement laissées par son père, Dolga. Elle dut rapidement se familiariser avec toute les commodités liées à cette lourde responsabilité. L'une de ses premières actions fut d'envoyer une missive à la capitale d'Altera, ainsi qu'au chef de rebelles. Mais elle doutait que l'un ou l'autre ne prenne la peine de lui répondre, ou tout au moins pas avant un certain temps.

Les survivants du clan, une trentaine d'individus à peu prés, étaient en deuil mais malgré tout, chacun devait rester sur le qui vive. La jeune Dunderas était une personne au parlé direct et franc cependant son manque d'expérience que ce soit de vie ou dans cette activité de leader se faisait ressentir. Oelbrak, le meilleur guerrier du village et le plus expérimenté lui donnait de nombreux conseils, il 'épaulait, la guidait. Dans ce clan, les membres, qu'ils soient Dunderas ou d'autres familles, restaient unis face à l'adversité; et aucun d'entre eux ne s'opposa à la "nomination" de Kar. Elle était la fille du chef, tout le monde la connaissait et tout le monde lui faisait confiance.

Ce jour ci, étreint par l'hiver glacial; on vint prévenir la jeune guerrière que trois hommes avaient été aperçus en contrebas de la forge. Qu'ils semblaient espionner, ou tout au moins chercher quelque chose. Ces hommes, selon les dires de l'éclaireur; semblaient être de par leur vêtement, des Mordraks. L'idée d'une nouvelle attaque fit rapidement le tour de l'esprit de la jeune orpheline. Et tout aussi vite, elle ordonna, avec une certaine autorité; que les guerriers aptes au combat s'arment dans l'immédiat. Elle en fit de même. Passant par la forge pour récupérer l'épée de son défunt père, elle interpella Oelbrak qui se rendait à l'entrée de leur village.

"Tu penses qu'on vient nous attaquer, à nouveau ?"
"S'ils ne sont que trois, j'en doute." Dit-il de sa voix rauque.
"Mais mieux vaut prévenir que guérir. Et la meilleure défense, c'est l'attaque." Rigola-t-il.

Kar acquiesça en empoignant le pommeau de l'épée qu'elle glissa dans son fourreau, lui même attaché dans son dos. En effet, elle préférait prendre les devants quitte à se montrer inhospitalière que se laisser berner par soit des ennemis, soit de faux amis. Elle rejoignit alors le petit groupe, le même que celui parti en raid lorsque leur village fut assaillit. Avant de rejoindre les étrangers en contrebas de leur position, elle leur adressa la parole.

"Trois archers, le reste avec moi. Gramn, tu te posteras dans les hauteurs; pour avoir un œil sur l'orée de la forêt, de l'autre côté du lac." Elle observa chacun des hommes composant la troupe.
"Oelbrak et les autres, nous allons à leur rencontre. Ce sont peut être des émissaires du royaume, ou de la rébellion. Evitons de faire couleur le sang inutilement."

Tous hochèrent la tête, sans une seule contestation. Puis ils se rendirent au bas de la falaise qui abritait, à son sommet, les forges Dunderas. Il ne leur fallut pas plus d'un quart d'heure pour traverser le chemin abrupte et escarpé. Kar pensa alors qu'ils avaient eu de la chance qu'elle ait décidé de ne pas remettre la forge en fonction, la fumée aurait dévoiler leur position...

L'éclaireur ne s'était pas trompé. A quelques pas d'eux se tenaient les dits hommes. L'un portait une peau d'animal, il semblait imposant et pour le moins charismatique. Le groupe, prêt à se battre, s'approcha. Kar parla. "Que faites vous là ?" dit elle en évitant d'être trop agressive.
"Qui êtes vous ?" renchérissait elle avec un ton cette fois-ci moins chaland. Oelbrak posa sa main sur son épaule et lui chuchota quelques mots à l'oreille.

"Je crois que c'est... Bronahar. J'en ai déjà entendu parler et..."
"Je me fiche de son nom, s'il se montre hostile, je n'hésiterai pas à lui trancher la tête." Répondit elle sèchement.

Oelbrak s'émacia d'un sourire évocateur...

Ce fut la première fois que Kar fut confrontée, véritablement, à une personne étrangère à leur clan. La seule chose qui maintenait le statu quo entre les deux groupes était leur appartenance au même peuple, et encore, si le mot peuple avait encore une signification quelconque aux oreilles de ce genre de personnage prêt à attaquer les siens pour des ressources. Ce chef de clan était sans doute fait de la même matière que ceux qui avaient attaqués les Dunderas quelques semaines auparavant. La confiance et le charisme de l'Urgok ne semblèrent aux yeux de la jeune femme qu'être un solide voile pour dissimuler une crainte qui aurait été toute légitime.

La Dunderas esquissa un sourire lorsque l'homme à peau de bête acheva sa longue phrase. Ces trois là étaient devant la muraille naturelle de la forge, à découvert. Kar était sur ses terres, entourée de guerriers expérimentés et davantage assoiffés de vengeance qu'elle même ne l'était. Ils n'avaient pas besoin de se relaxer ou de se détendre, mais seulement de mettre la main sur ceux ayant perpétré une attaque contre leurs frères, pères mères et amis. S'il avait était aisé pour les précédents assaillants de faire tomber le village troglodyte, maintenant, une nouvelle tentative; serait vouée à l'échec et finalement comparable à un suicide.

Kar fit néanmoins un signe aux archers dissimulés. Ceux-ci n'entendaient pas la conversation et seraient plus susceptibles que quiconque de prendre une mauvaise décision. Ensuite, la grande rouquine répondit. Si elle n'était pas encore connue par de-là les frontières et même au sein de son propre peuple, son caractère et sa personnalité se chargeraient de parfaire cette réputation. C'était sans doute l'impétuosité liée à son jeune âge, pour une mordrak, qui l'animait...

"Un Mordrak qui n'aime pas le froid." Rigola-t-elle.
"Ne juges pas l'autre à son manteau, me disait feu mon père. Vous verrez ce que sont les Mordraks du clan Dunderas, nous sommes certainement bien plus civilisés qu'un homme chevauchant un tigre..." Railla-t-elle.
Elle pointa la bête du doigt. "Ça, ça reste dehors."

Elle resta là à observer un instant son improbable hôte jusqu'à ce qu'il daigne descendre de sa monture. Puis elle fit signe aux trois hommes de la suivre, elle et les autres guerriers du clan. Ils arpentèrent le sentier escarpé jusqu'à l'entrée de leur village construit dans la pierre de la falaise. Leur village semblait petit à côté du pic proche voisin. C'était sans doute ce qui avait sauvé une partie des habitants de la nuit sanglante. Kar avait compris, d'autre part, l'image qu'avait la plupart des Mordraks de leur clan, tout au moins, pour ceux qui le connaissaient. Des rustres vivant dans des grottes, des cavernes... Rien que d'y penser, cela la faisait sourire.

Dans tout ce qu'elle avait pu lire, et même sur les plus grands clans de leur peuple, aucun n'avait jamais véritablement établi ses positions, ni même bâti quelque chose de durable. Même si leur clan avait essuyé un rude coup, il n'y avait que des vies qui s'étaient en allées; le symbole de leur force, lui, était toujours là.

Ils marchèrent maintenant sur le chemin principal du village qui menait directement à la forge, et finalement; à la maison de la Dunderas qui faisait aussi office de salle de réception etc. Il n'y avait ni charpente, ni clou. Tout était de pierre et de métal, sculpté de motifs tribaux rappelant les armoiries des Dunderas. Kar montra une façade grisâtre incrustée dans la paroi de la falaise.

"Nous sculptons, taillons et forgeons aussi bien que nous nous battons." Dit-elle sur un ton de défi.
"En dehors du Pic, je ne connais aucun autre endroit bâtit par des Mordraks similaire à celui-ci."

Sur leur passage, les habitants en vadrouille, ou au travail; observaient les étrangers d'un regard intrigué. Puis enfin ils arrivèrent à la forge, ou tout du moins, chez Kar. Faisait office de porte un ensemble d'épaisse peau animal. Une fourrure qui n'était pas sans rappeler celle du tigre; mais peut-être était aussi celle d'une créature. Ils entrèrent dans une pièce éclairée de torches. Les murs de pierre taillés dans la masse de la falaise donnaient un certain cachet à l'endroit. Pour fenêtres, seules d'étroits interstices avaient été percés ici et là. Quant à la forge... Ils étaient loin de pouvoir ne serait ce que l'apercevoir. Néanmoins on pouvait quand même en sentir la chaleur...

Au centre de la pièce, une table en pierre brute blanche était disposée, seule les chaises et quelques autres meubles étaient en bois; plus pour le côté pratique qu'autre chose. Mais comme pour le reste, tout demeurer massif...

"Je vous en pries, asseyez vous." Leur proposa-elle avant de reprendre.
Kar s'était assise dans un épais fauteuil en bois, en bout de table, et Oelbrak s'était assit en face d'elle. Sur la table il y avait quelques victuailles, de la boisson...
"L'accueil n'est pas des plus chaleureux, je vous le concède. Mais la chaleur est une chose que j'ai perdu récemment, et d'autant plus avec mes compatriotes Mordraks. Surtout lorsqu'ils bafouent les liens même de ce pseudo peuple... Bien, parlons de ce que vous êtes venus faire ici plus en détail."