Une neige abondante avait remplacé le froid glacial de ces derniers jours. Emmitouflé dans un épais manteau de fourrure blanc, Osvald, les cils et la barbe couverts de flocons, admirait cette pluie immaculée depuis un creux au pied de la montagne. Le temps l'avait contraint à s'abriter pour quelques heures, mais commençait déjà à se calmer.

Le ferme du clan Olrikson n'était pas très loin. Le matin même, une bête de leur élevage leur avait faussé compagnie, d'on ne sait quelle manière. Lorsqu'elles sentaient l'heure de l’abattoir proche, ces bestioles se sentaient pousser des ailes et se montraient des plus inventives pour retourner à la vie sauvage. Bien sûr, Eirik avait trouvé en son neveu le parfait coupable. Bien qu'il n'ait rien à y voir, il avait été chargé de réparer la faute commise, et de se mettre sur les traces de l'animal.
Avec un tel déluge, suivre une piste s’avérait maintenant impossible. Et la mission d'Osvald s'en retrouvait contrariée. Une aubaine pour son Drakson, qui ces derniers temps se montrait particulièrement inhospitalier avec son neveu. En fait, depuis que le jeune fermier s'absentait plusieurs jours durant, sans dire à personne ce qu'il complotait - un coup d'état ! - ses relations avec Eirik s'étaient passablement détériorées. Et il y avait fort à parier que ça n'irait pas en s'arrangeant.

Le jeune Mordrak profitait donc de cet instant de solitude et de calme, pour faire le vide dans sa tête. Rien de mieux que le refuge de Granahill pour méditer et s'évader. Les yeux clos, il leva la tête afin que son visage soit face au ciel, et bien qu'il soit à l'abris, le vent poussait quelques flocons jusqu'à sa figure.

Granahill, déesse merveilleuse, fille de la Terre et du Ciel... qu'as-tu préparé pour moi ? Tout est si compliqué. Un signe de ta part serait de bonne augure...

Lorsqu'il rouvrit ses paupières, il fut surpris d'apercevoir une silhouette au loin, courir dans sa direction. Il pensa un instant que Granahill l'avait écouté, puis, lorsque l'inconnu arriva jusqu'à lui, reconnu aussitôt Elke, une jeune paysanne du clan. Elle avait de magnifiques cheveux blonds, et des yeux d’émeraude. Malgré les quelques années qui les séparaient, l'un et l'autre avaient toujours apprécié leur compagnie.

A peine arriva-t-elle au niveau d'Osvald qu'elle se jeta sur lui, catastrophée.

« - Osvald, je te trouve enfin ! Thorstein, ton cousin, est furieux ! Il est parti à ta recherche avec deux hommes de son père !! S'ils te trouvent... »

Elle n'eut pas le temps de finir, car l'imperturbable Osvald fixait l'horizon de telle manière qu'elle suivit son regard. A travers la neige, trois silhouette s'avançaient dans leur direction. Le visage d'Elke se fit un peu plus grave. En revanche, le jeune fermier affichait un léger sourire arrogant : Thorstein était le fils de son oncle, et il avait toujours considéré Osvald comme un rival, voir un ennemi, dès lors qu'il avait été enfant. Sans doute trouvait-il qu'Osvald désertait un peu trop souvent la ferme ces temps-ci.

Sans un mot de plus, la jeune femme pris les devants, et alla à leur rencontre. Lorsqu'elle les atteignit, ils étaient suffisamment proches et la neige s'était assez calmée pour qu'Osvald les distingue. Il se leva lentement, pour mieux observer la scène, main nonchalamment posé sur le manche de son épée. Sans prévenir, Thorstein décocha une gifle puissante du revers de la main, projetant la pauvre Elke sur le sol. Sans plus de commodités, les trois Olrikson reprirent leur marche vers Osvald.

Ce dernier serrait son arme dans une crispation nourrie par la colère. Tuer Throstein aurait été inconsidéré. Mais il n'en sortirait pas indemne pour autant...