Le Régulateur était au plus mal, ou plutôt « L’ancien ». En effet, Ahmad avait pu reprendre le poste de son père uniquement car ce dernier se faisait un brin trop vieux et paranoïaque. Il craignait sans cesse chaque ombre, faisait goûter à plus d’un ses plats ou boissons et, quoi qu’il lui arrive, cet homme était encore à accuser domestiques et fantômes pour chaque maladie ou accident de la vie des plus graves au plus ridicules. Le fils ne disait rien, se contentant seulement d’écouter le père ou encore tenter de calmer ses multiples douleurs de corps ou de cœur en travers multiples méthodes, certifiées comme non certifiées.

- Je veux la Prêtresse Bleue ! Elle est une guérisseuse de renom !

Une autre caprice de son père … La Prêtresse Bleue était clairement une personnalité importante et occupée et pourrait aisément décliner une demande égoïste et capricieuse d’un vieil homme. Cependant, ce vieillard n’était pas n’importe qui et encore moins issu de n’importe quelle famille. Autrefois ignoré ou moqué, sa famille avait su grandir parmi les grands et gagner leur respect en contrôlant leur pire secret, tout en étant leur associé dans leurs plus bas complots et vices. Ces membres étaient également l’envoyé de quelques diablotins ou mauvais esprits et il valait ne pas les avoir sur le dos, dit-on. Quelques supercheries prenant source sur quelques faits véridiques.

- Soit, père. Je l’appelle.

Aussitôt dit, aussitôt fait. La Prêtresse Bleue fut invitée dans la somptueuse demeure du Régulateur. Pour une raison inconnue, cette famille ne portait pas de nom de famille mais nommait ses enfants comme le « fils » de X. Ainsi, en traduisant le prénom et nom, Ahmad Ibn Salih veut dire Ahmad, fils de Salih. Cette étrangeté fut l’objet de quelques discussions mais peu de personnes pourraient dire la raison. Bâtardise du passé ? Nom honteux d’un fait peu glorieux ? Nom pouvant porter une atteinte à la Royauté même, que ce soit contre le Sultan ou Alderic ? ou simple une simple fantaisie d’un fou ou folle ?

Attendant dans le hall de sa demeure tout en observant un bassin d’eau aménagé au centre, haut de quelques centimètres et emplis de quelques poissons aux milles couleurs et nénuphars majestueux, il ne tourna les talons que lorsqu’il entendit plusieurs ne pas approcher. La Prêtresse Bleue avait mis les pieds sur le marbre beige de sa demeure, et loin d’afficher un sourire, il se contenta seulement de son habituel visage sévère et sérieux. Rares sont les personnes à avoir vu Ahmad sourire de toutes ses dents ou même esquisser un simple sourire, et tout bonnement aucun quand la situation était grave : son père était plus que malade et plus que délirant.

- Je vous remercie d’avoir répondu à mon appel, et je n’oublierai guère ce geste, très chère Prêtresse. Je souhaiterai vous accueillir bien mieux mais le temps presse malheureusement pour de telles courtoisies. Mon père … délire. Je ne sais quoi faire.

Ahmad a toujours brillé pour ne pas montrer ses émotions mais à cet instant, un court moment, sa voix s’était brisée et ses yeux avaient divulgué son incertitude. Il ne savait que faire ou quoi faire face à ce géniteur qui lui avait tout donné et tout appris, et surtout comment envisager le futur de ce dernier : la mort ? Si oui, en attendant tout en le regardant souffrir ou alors en y mettant un terme soi-même ?

- Il n’a que 55 ans …

Un Amarien riche et aisé pouvait aisément rêver d’atteindre quatre-vingt-dix ans. Seuls les malchanceux et les peuples non-libres mouraient dans ces tranches d’âge, ou considéraient 55 ans comme un âge vénérable. Ce n’était que le début de la fin pour un Riche, pas la « fin définitive ».

Entre temps, il l’avait mené devant la porte du futur défunt. On pouvait entendre ses cris et ses injures ou encore ses délires sur un complot « mondial » à son encontre… Ahmad soupirait déjà.

- Je vous prie d’excuser ses propos. Il n’a plus toute sa tête.

Aujourd'hui on vint me demander. C'était le régulateur qui me conviait dans sa belle et grande demeure. Un de ses serviteurs était venu faire part de cette invitation à l'une de mes soeurs qui était venue m'informer alors que je me trouvais dans le temple de Sol pour quelque affaire religieuse. Elle me laissa néanmoins finir le rituel que j'avais entamé pour ne rien entraver et surtout ne pas vexer les dieux. Si seulement Sol savait...

L'heure d'après j'arrivais dans la demeure d'Ahmad Ibn Salih accompagnée d'une soeur guérisseuse du culte du dieu Khanu, dieu de la santé représenté sous les traits d'un homme chauve habillé en blanc et maquillé à la manière des égyptiens. Très efféminé. (ça c'est pas Yashee qui le pense !). Je l'avais prise avec moi par simple précaution car si le régulateur ou quelqu'un de sa famille avait des problèmes il fallait réagir vite. C'était une des quatre familles importantes de Jawhar.

Mon collègue conseiller m'accueillit avec son air grave et sérieux. On le voyait rarement sourire. D'une certaine manière il paraissait aussi dur que je devais le paraître aux yeux de certains. Même si avec le peuple je montrais un visage plus doux et me forçais à sourire. En réalité je ne souriais plus depuis mon pacte avec la déesse du Crépuscule et la mort de ma mère. Ahmad paraissait quelque peu désemparé face à l'état de son géniteur.

- Je faillirais à mon devoir si je laissais tomber quelqu'un comme vous ainsi que votre famille.

Il rajouta qu'il n'avait que 55 ans.

- Montrez-moi.

Il me guida vers la pièce où était allongé son père, dans son lit. Il débitait des propos emplis de folie. Cela ne me fit rien car j'avais l'habitude de voir ce genre de cas. La perte de raison était un symptôme récurrent de bien des maux.

- Les dieux vous saluent, dis-je en m'adressant au malade.

Doucement je venais apposer ma main douce et chaude sur son front. Il était brûlant. Je regardais ensuite ses yeux et lui fit ouvrir la bouche. Il semblait avoir un afflux anormal de salive. Ses yeux étaient légèrement rouges et brillaient. Pour moi rien qu'à voir cela je pensais à un empoisonnement.

- Cheikha, continue veux-tu.
- Oui Prêtresse.

L'adepte de Khanu continua de chercher des symptômes ou des preuves d'empoisonnement à ma place tandis que je fis quelque pas vers un coin de la pièce en y attirant Ahmad.

- Il semble à première vue que ce soit un empoisonnement. Soeur Cheikha est une guérisseuse de Khani, je l'ai amené avec moi par précaution. Elle pourra fabriquer le remède adéquat une fois qu'elle aura trouvé.

Je le laissais réagir et marquai une pause.

- Quelqu'un aurait-il des raisons d'empoisonner votre père ?

Pendant ce temps Cheikha finissait de trouver ce à quoi nous avions à faire.

- Impossible qu’il soit empoisonné, déclara de but en blanc Ahmad avec son habituel ton froid et dur. Il se rattrapa bien vite. Il craint sans cesse qu’on ne cherche à le tuer, à l’empoisonner ou comploter à son égard, et par conséquent nous avons des goûteurs pour chaque repas et une garde choisie avec soin pour assurer la sécurité de cette seule pièce. Il ne la quitte pas.

On pourrait dire que voilà une paranoïa stupide, ou une paranoïa du pêcheur mais personne ne disait rien vis-à-vis du Régulateur. Ce rôle était le plus éphémère des quatre grandes Familles et surtout, le rôle qui apportait son lot de pression, complot et menace. Il n’était pas étonnant qu’un meurtrier ou sorcière en veuille violemment à cet homme se croyant Roi dans un Domaine de Jawhar, là où aucune loi ne s’appliquait aisément.

- Chaque Famille a un rôle, Prêtresse. La vôtre est d’assurer ….

Il se tut. Son père fut pris d’un autre élan de délire, commençant à repousser violemment la pauvre guérisseuse. Deux esclaves s’emparèrent de l’homme pour le mettre dans le lit même, et l’y attacher. C’était peut-être une méthode rude mais la dernière fois où le père avait été libre de tout mouvement, il s’était dangereusement blessé sans parler qu’il avait également blessé autrui. Si La vie d’un esclave importait peu Ahmad, ce n’était guère le cas pour l’esclave « utile ». C’était ardu de pouvoir en éduquer des dociles et obéissants …

- Sortons, voulez-vous ? Nous reviendrons lorsqu’il se sera davantage calmé, proposa-t-elle d’une voix plus dans les tons du murmures. La guérisseuse sortit également mais ne poursuivit guère le chemin, étant invitée à attendre non loin de la chambre du malade.

Pendant ce temps, Ahmad conduisit Yasheela dans une autre pièce commune, celle où les invités s’installer pour se sustenter. Quelques mets fut rapidement servis : des fruits et des boissons sucrées ou fruitées, ainsi que quelques alcools. Le Régulateur ne se limitait qu’à quelques dattes, n’ayant guère d’appétit dernièrement entre l’état de son père, son rôle de Régulateur et sa volonté d’établir une guilde solide et puissante. Une fatigue visible sous ses yeux, sous forme de poche de cernes.

- Comme je disais, chacun de nous a un rôle. La Prêtresse s’assure d’apporter la parole des Dieux Anciens comme Nouveaux. Le Marchand se charge d’apporter la Richesse et le Commerce essentiel à la ville, les fondements même de sa création et de son développement. Le Prétendant est la roue de Secours si notre Sultan et son seul et unique venaient à mourir malheureusement pour mille et une raison, ayant un certain poids – ou non – au sein de Jawhar selon leurs fidèles. Et le Régulateur doit s’occuper de réguler le quartier le plus rebelle de tout Jawhar, là où un garde a peur de mettre un seul pied.

Il se tut, laissant du temps à la demoiselle de se remettre de ce cours d’histoire répétés sûrement en boucle depuis sa naissance – comme on avait fait pour lui.

- Mon père a eu à menacer plus d’un criminel toute sa vie pour pouvoir obtenir ce qu’il fallait pour le bien de Jawhar : Justice ou encore taxe. Il se peut que l’on se fasse quelques ennemis en allant fouiner dans de quelques sombres affaires.

Il préférait ne pas développer davantage.

- Sûrement une vieille rancœur du passé , conclut-il, persuadé. On raconte que ceux qui mangent des dattes chaque matin, avec du lait, ne craindraient pas un quelconque empoisonnement. Y croyez-vous ?

Il ne voulait pas s’éterniser sur les deux ou trois sombres affaires d’un Régulateur.

- Cependant, les raisons de cet empoisonnement me sont égales à l’heure actuelle. Si c’est vraiment un empoisonnement, et si l’on trouve son remède, guérira-t-il ? Vivra-t-il ? Subira-t-il de lourdes … conséquences ?

Selon la réponse, il s’activera dans la seconde même. Il ne craignait guère pour sa position de Régulateur – son père s’était trop amincie et frôlait un brin trop la folie pour qu’il puisse remettre un pied dans les quartiers mal famés de Jawhar, et ce n’était pas cette stupide position qui allait faire de lui un potentiel parricide. Il voyait plus grand … et plus loin. Et il était fier et arrogant, persuadé que sa famille était une famille à qui l’on devait un grand respect – le Sultan devant même s’agenouiller à ses pieds un jour – et la moindre atteinte à un membre était une atteinte à cette honneur, à cette fierté … Bref. Un égo un tantinet surdimensionné derrière cette façade silencieuse et taciturne.

J'écoutais la réponse d'Ahmad avec silence et me montrai compréhensive. C'était son père qui souffrait. Ils avaient beau avoir des goûteurs, cela ne suffisait pas. Je connaissais moi-même de multiples manières d'empoisonner.

" Il existe bien des façon d'empoisonner quelqu'un où des goûteurs ne sont d'aucune utilité. "

A ce moment Cheikha confirma que l'homme était bien la victime d'un poison. Ahmad commença une phrase qu'il ne termina pas car son père fut pris d'une nouvelle crise de folie. Repoussant cette gentille guérisseuse qui n'y pouvait rien. Elle n'insista pas et ce sont deux esclaves qui s'occupèrent de l'attacher au lit. Le chef des lieux nous invita à sortir et je le suivais dans une autre pièce où nous serions plus au calme pour parler.

C'était une pièce commune destinée à recevoir les invités. Nous nous asseyions à une table, mets et boissons furent servies. Je ne me contentais que de boire une boisson fraîche et fruitée pour me désaltérer. Ahmad lui ne fit que croquer dans des dattes. Ses yeux trahissaient la fatigue. Sa bouche s'ouvrit enfin pour ressasser ce qu'on savait déjà à propos des rôles des différentes familles de Jawhar. Je souriais amicalement pour ma part.

" Je ne peux pas le dire à votre place. Votre famille a ses ennemis que je ne connais pas régulateur. Et j'ai aussi les miens. "

Ce qui coupait court à la discussion sur ce sujet pour le moment. Je riais doucement à cette vieille croyance qu'il venait me soumettre : boire du lait et manger des dattes chaque matin pour éviter les poisons.

" Je ne me contenterais pas de ça pour éviter l'empoisonnement si vous voulez mon avis. "

Il renchérissait ensuite sur l'empoisonnement de son père.

" C'est dur à dire car tout dépend du poison dans son corps. Je pourrais pour le moment tenter de l'apaiser par les dieux. Cheikha a néanmoins dû déterminer de quel poison il s'agit. Elle a apporté divers antidotes avec elle. (un temps) Conduisez-moi à nouveau dans sa chambre."

Quelques instants plus tard nous nous y retrouvions à nouveau. Le père d'Ahmad continuait de plus belle de pousser des cris et de se débattre. Il était maintenant tout transpirant.
Droite, je m'avançais vers lui, indiquant aux esclaves et à Cheikha de maintenir le pauvre homme pour que je puisse agir et tenter de l'apaiser par l'intermédiaire de la magie de soin divine que je maîtrisais. L'homme continuait de se débattre. Ahmad devait assister impuissant à cette scène. Grâce aux esclaves et à ma guérisseuse, je pus apposer ma main sur le front du souffrant :

" Al Naya um. Al Naya zul. Khanu soro ihm. Al Naya um. Al Naya zul. Khanu soro ihm. Al Naya um. Al Naya zul. Khanu soro ihm. Al Naya um. Al Naya zul. Khanu soro ihm... "


Tandis que je répétais ces mots, une lueur discrète, blanche et bleu à la fois enveloppait ma main. La chaleur de son front baissait petit à petit et il se calma finalement. Il semblait que j'avais réussi à apaiser ses maux provisoirement.

" Il faut un antidote rapidement, ce que je viens de faire n'est que provisoire. "
dis-je en regardant Ahmad.

Spoiler:

Yasheela désirait à nouveau retourner auprès de l’ancien Régulateur afin de pouvoir davantage l’examiner, voire y apporter un peu d’apaisement en travers de quelques antidotes apportés. Arrivés dans la chambre du malade fou – retenu solidement par les esclaves – Yasheela apporta un soin des plus particuliers et magiques. Une douce lumière s’émanait de ses mains, semblant – clairement – apporter un semblant de paix et de repos à ce père bien trop tourmenté ces derniers temps.

« Des mains qui nous ont délivré de la plus grande plaie de notre histoire » se disait-il. En effet, il n’oubliera nullement cette sombre époque où un quartier entier de Jawhar avait été touché par une plaie mortelle, s’étendant toujours plus et d’une manière forte gourmande. Une époque trouble où l’opinion de la population, sa peur ou ses demandes étouffaient le Sultan comme les grandes Familles. Pour sa part, il avait eu à assister son père pour maintenir un semblant d’ordre dans la Rue Assassine, un quartier toujours prompte à exploser ou à gronder au moindre désordre – environnement propice voire de prédilection de ces vermines de rue.

- Vos dons de guérisseuse, qui a sauvé plus d’une vie ici-même, ne semble guère vous faire défaut. Je souhaiterai que vous ayez l’antidote tuant à tout jamais ce mal qui le ronge.

Un terrible mal qui rendait fou tantôt sa victime, tantôt l’entourage de la victime. Les esclaves avaient à maîtriser ce vieux maître sans le blesser – alors que lui pouvait – sous peine d’être puni sévèrement par Ahmad. Quant à ce dernier, il ne savait s’il devait rentrer – et rester auprès de son père comme la tradition et les valeurs amariennes obligeaient implicitement – ou tout bonnement dormir ailleurs pour ne pas subir ces incessants cris, lamentations ou désespoirs tantôt du père – se plaignant de la soi-disant brutalité des esclaves ou d’un complot infâme à l’échelle mondiale – tantôt des esclaves qui demandaient pitié dans le traitement, ou qui sous-entendait que la fin était arrivée et qu’il fallait abréger la souffrance.

En somme, un véritable enfer.

Quelque temps passa et, aussi surprenant soit-il, son père s’abandonna totalement dans les bras de Morphée. Plus étonnant, il ne murmurait pas, ne transpirait pas, ne s’agitait pas et n’hurlait pas dans ce sommeil. En somme, il dormait sans avoir à visite le Royaume des Cauchemars ou même des Rêves. Il se reposait. Enfin.

- Cependant, je doute que ce soin dure. Combien de temps avant qu’il soit pris d’un autre mal, ou du même mal ? Que faire ? Que vous apportez pour que je puisse l’aider…

Il n’était guère un homme de chasse – que chasser dans le désert des terres amariennes ? – ou agriculteur – les sous-sols étaient les seuls lieux propices à un semblant de vie – mais il avait des hommes et femmes à ses ordres pouvant se charger d’une telle mission. Peut-être même pourra-t-il les accompagner ?

- Dites-moi Grande Prêtresse, vous qui sauvez au quotidien des vies. Connaissez-vous un moyen ou une personne apte à soigner mon père ?

Si non, cela voulait-il dire qu’il devait en abréger la souffrance, soit le tuer ?

Il souhaitait que j'ai l'antidote nécessaire pour soigner son père mais c'était bien là le problème. Nous n'avions que ce que Cheikha avait ramené avec nous dans une maigre sacoche contenant divers remèdes. Le fait est que ma réserve dans laquelle nous avions puisé pour ramener ceux-là avait été vidée de la plupart de ses effets. Dans ma propre demeure. On ne savait exactement quand c'était arrivé. Ni mon père ni personne, servants et esclaves compris n'avait rien vu. Juste que quand nous étions allées chercher ce dont nous pensions avoir besoin pour donner cure au malade ici présent, on avait trouvé la pièce sans dessus dessous, et l'antidote à ce mal n'était plus là. Le second problème, parce qu'ils allaient toujours par deux, était que les ingrédients pour en fabriquer un autre étaient des plus rares et qu'on ne les trouvait pas n'importe où.
Le malade se calma, s'endormit même, et Ahmad suppliait presque, prêt à m'apporter ce qu'il fallait. C'est là que je poussais un soupir pour lui annoncer la situation. Il fallait l'en informer.

- Il y a peu j'aurais eu l'antidote du mal qui ronge votre père. Le fait est que ma réserve a été l'objet d'un cambriolage et cet antidote précis ainsi que quelques autres ont disparu. Les ingrédients dont j'aurais besoin pour en faire un autre sont trouvables mais certainement pas ici, à Jawhar. Ils sont des plus rares.

Il demandait si je connaissais un moyen ou quelqu'un pour soigner son géniteur.

- Il n'y a besoin de personne en particulier. Moi comme certaines des adeptes qui m'accompagnent pouvons très bien concocter l'anti-poison qui le sauvera. Notre problème est de nous procurer les ingrédients.

Alors je voyais son regard interrogateur à nouveau qui demandait plus d'informations.

- De la Rivolisse, une plante à la couleur rouge. On ne la trouve que dans les Gorges Brûlantes. Des oeufs de Verken, ces vers géants qui arpentent le désert et dont la plupart des nids se trouvent aussi dans les sous-terrains des Gorges Brûlantes. C'est ce qu'il me faut pour espérer le soigner, dis-je en le regardant.

J'allais vérifier une dernière fois les antidotes que nous avions ici à disposition. J'en sortais un en particulier qui faisait plutôt office de régulateur (wouhou ! ) de symptômes, simplement pour le calmer à nouveau pendant 24h. Je le tendis directement au régulateur pour qu'il le prenne.

- Celui-ci calmera les douleurs et l'ensemble des symptômes pour une durée de 24h. (Une pause) La décision vous appartient pour ce qui est ingrédients à se procurer. Une expédition serait périlleuse mais c'est malheureusement le seul moyen.

Je posais en même temps une main sur son épaule.

Il soupira devant l’ironie du sort. Son père avait été Régulateur et il aurait pu être sauvé par l’antidote de la Prêtresse, mais en ayant plus que bien organisé ce fameux crime dans Jawhar, il venait de se faire voler son antidote précieux. Il aurait eu envie de rire devant un si triste et malicieux destin mais c’était son père dont il était question, un membre de sa famille, son « sang » et non le boucher du coin !

- Nous retrouverons bien vite ce Voleur. Plus important, nous allons mener cette expédition, annonça-t-il.

Il fit signe à un garde et lui susurra quelques petits mots « doux ». Celui-là avait pour mission de retrouver le voleur, de retrouver éventuellement les ingrédients volés et faire en sorte que ce brigand ne porte plus préjudice consciemment ou inconsciemment au Régulateur, et à sa famille. Certes, cette dernière pouvait soutenir le crime de temps à autre, mais nullement celui à son encontre. Une famille bien folle, une famille bien ambiguë.

- Venez avec moi, je vous prie, demanda-t-il à Yasheela.

Il finit par l’attirer à l’écart, et dans un lieu plus ou moins paisible. Seuls à seuls, ils avaient à discuter au plus vite des mesures à rendre.

- Je mènerai cette expédition dès les premières lueurs de l’aube. Cependant, je dois savoir où le trouver, comment le retrouver et plus important, une représentation ou une personne qui en aurait connaissance.

Il ne savait nullement si la Prêtresse savait se battre ou non. A ses yeux, elle ne se contentait que de prier et de mettre à bas quelques maladies ou maux de l’Humanité en travers d’ingrédients et d’antidotes. Son combat, c’était un combat intellectuel et non physique. A nouveau son côté Misogyne parlait, ignorant royalement les racines et l’éducation de la jeune femme en face de lui.

Il se tut à nouveau.

- Combien de temps ai-je avant que ce poison ne le tue ? Avons-nous la moindre chance de nous rendre où que ce soit ? Ou existe-t-il une autre solution, une autre alternative ?

En somme, avec politesse et égarement, il exigeait qu’elle active ses méninges pour pouvoir agir au plus vite. Cet homme n’était guère une figure de politesse en temps ordinaire et encore moins une figure plaisante, les choses n’étaient que plus compliquées autant pour lui que son interlocuteur lorsqu’il était nerveux.

- Dites-moi tout ce qu’il faut. Je ne m’arrêterais pas devant quoi que ce soit. Ce que je veux, je l’obtiendrais toujours. Par tous les moyens.

La fin justifie les moyens, voilà une phrase qui le caractérisait bien.