Deux semaines s'étaient écoulée depuis sa détestable rencontre avec un nain exécrable, dans un village aux frontière des Terres du Nord. Malgré tous ses efforts, Hariaëlle ne parvenait pas à se départir du goût amer que cette rencontre lui avait laissé. Elle était parvenue à reprendre les fourrure volées, mais n'avait put prédire les conséquences de son acte.

Et puis, elle n'avait jamais été aussi furieuse.

Malgré les réponses insatisfaisantes à ses questions, la petite était parvenue à oindre officiellement le rang des rebelles. Elle avait rapidement compris que son point de vue n'était pas le plus répandu au sein du mouvement. Si plusieurs partageaient son désir de retour à la paix, beaucoup se cherchaient simplement une excuse pour tout détruire sans craindre de conséquences.

Hariaëlle avait reçu son premier ordre de mission. N'ayant que ses deux jambes pour la porter, elle dût partir quelques jours d'avance pour espérer atteindre le lieu de rendez-vous à temps. La demoiselle était curieuse : on lui avait donné un coéquipier. Alors qu'elle approchait à grandes enjambées du point de repère, elle se posait quelques questions. À quoi ressemblerait son camarade ?

Puis, elle le vit.

Ses prunelles s'écarquillèrent, son rythme cardiaque s'accéléra et elle figea en plein mouvement. Une bête pareille, ici ? Elle aurait reconnu cette fourrure entre mille. Et cet air las, presque paresseux, ces traits sauvages, cette puissance, ce côté barbare....

Un tigre arctique.

La demoiselle demeura un instant immobile, de crainte d'effrayer le majestueux animal. Puis, lentement, elle tenta de le contourner, cherchant à l'observer sous toutes ses coutures. Enfin, elle aperçut cette silhouette lourdaude, ratatinée, allongée au sol, la tête contre le ventre du majestueux félin. Son excitation fondit comme neige au soleil. Qu'avait-elle pu faire à Fata pour mériter cela ?

La petite soupira profondément avant d'approcher. La bête se redressa, méfiante, plantant son regard sur cette frêle silhouette qui approchait.

« De tous, il y a fallut que ce soit toi... »

L'Élysienne n'adressa pas un seul regard au Mordrak, son attention monopolisée par le tigre. Elle n'osait pas trop l'approcher. Ces animaux étaient imprévisibles... Surtout en considérant son maître. Pourtant, elle mourrait d'envie de le caresser, de gagner sa confiance... Nouveau soupir.

« Tu te souviens de moi, ou tu étais trop bourré ? »

Enfin, les prunelles dorées glissèrent sur Bronahar, alors qu'Hariaëlle reprenait cette expression calme qu'elle s'entêtait à lui montrer.

Hariaëlle comprit très vite, au simple regard courroucé de l'être à ses pieds, que non seulement il se souvenait d'elle, mais que sa présence ne semblait pas lui plaire. Comme si c'était elle, la plus déplaisante du duo. Dire que son odeur désagréable lui parvenait déjà... Enfin. Ses narines finiraient bien par s'engourdir, pas vrai ? La petite ne s'était jamais sentie vraiment arrogante. Néanmoins, de voir cet homme ainsi allongé devant elle, la traitant de laideur... Sa langue s'affuta sans même qu'elle ne s'en rende vraiment compte.

« Vous avez dû être influencé par votre reflet dans mes yeux, monsieur. »

Et un petit sourire doux et innocent pour compléter le tout, un ! L'Élysienne s'étira, avant de s'agenouiller au sol. Le voyage l'avait épuisé. Pourtant, la nuit tombait. Ce serait la période idéale pour commencer la mission. D'autant plus que, sincèrement, elle n'appréciait pas l'idée de passer la nuit auprès de... Ça. Celui-ci lui reprocha soudainement son odeur, lui arrachant un haussement de sourcils.

« Vous dégagez les mêmes fragrances que l'on retrouve dans une taverne. Quant à la mission... »

Ses prunelles se détournèrent, pour se fixer sur la tour, plus loin. Il avait beau être con comme un balais, il avait raison. Il valait mieux frapper le plus vite possible, pour éviter de se faire repérer. Ils n'étaient pas spécialement à découverts, mais plus ils resteraient, plus ils éveilleraient les doutes. Une grimace lui échappa, soudainement, et son attention revint vers le nain.

« Faut parler stratégie. Vous vous y connaissez, en discrétion...? Infiltration, tout ça ? »

Parce que pas elle. Hariaëlle était l'inverse de l'être discret et fourbe. Quand elle mettait les pieds quelques part, elle se faisait repérer presque instantanément. Et vu l'odeur du guerrier, il en était sensiblement de même pour lui. Ce qui voulait dire que, de un, il fallait stratéger et que, de deux, ils étaient dans la merde. Peut-être qu'en combat ils se complèteraient davantage, mais autrement...

Seigneur.

« On fait quoi, si on se fait chopper ? »

La blanche voulait éviter de tuer. Ce n'était pas le but de la quête. Pas du tout, même.

« J'aimerais pouvoir vous retourner le compliment... »

Parce que hein, elle avait beau fouiller, Hariaëlle ne parvenait pas à trouver de qualité à ce nain puant. La description de sa méthode agressive lui tira une petite grimace de dégoût. Vraiment, il ne parvenait pas à avoir un minimum de classe. C'était... Déprimant. Il n'y avait rien d'autre à ajouter. Un léger soupir lui échappa, et la petite se mit soudain à craindre pour sa vie. Ils n'étaient pas le meilleur duo, surtout pas pour une mission de cet acabit. La demoiselle se mordit la lèvre, hésitant un moment, réalisant à peine que Brohanar avait repris son sérieux : chose surprenante en soi. Elle écouta pourtant sa proposition avec attention, pensive, avant d'opiner du chef. C'était une idée. Par contre, la jeune femme n'avait jamais su mentir Dissimuler la vérité, ne pas tout dire, certes. Inventer de toutes pièces... Non.

« Je vous laisse gérer ce passage. Je suis une menteuse pathétique. »

Or, son petit doigt lui disait que ce n'était pas le cas du Mordrak, au vu des morales douteuses dont il avait fait preuve. L'Élysienne jeta un dernier coup d'œil plein d'étincelles au tigre avant d'emboîter le pas au guerrier. Pour l'instant, elle avait franchement l'impression d'être un boulet, et cela ne lui faisait pas spécialement plaisir. Elle espérait pouvoir démontrer son utilité à un moment.

Alors qu'ils approchaient de la tour, la blanche put apercevoir les gardes. C'est en voyant leur petit sourire que la vérité la frappa de plein fouet, avec la force d'un coup de marteau : ils allaient les prendre pour un couple. Par pitié, tout mais pas ça ! Hariaëlle ferma les yeux, avant d'inspirer un bon coup. Le bon côté, c'était que son air fatigué jouerait probablement en leur faveur: Royaume ou pas, garde ou villageois, qui refuserait l'entrée à une adolescente épuisée ? Ce serait cruel.

Le duo arriva finalement à la hauteur des gardes, qui les arrêtèrent d'un geste de main autoritaire. Les prunelles dorées analysèrent la scène, plus par habitude que par réelle nécessité. Cette fois, ce serait au nain de briller. Il valait mieux, pour sa part, qu'elle garde les lèvres closes.

« Il est plutôt inhabituel de voir un couple se balader si tard dans la nuit. Que faites-vous là ? »

Un léger frisson de dégoût secoua le dos de la blanche, mais celle-ci eut tout de même la brillante idée de s'approcher de la boule d'odeurs, feignant l'intimidation, se dissimulant légèrement derrière sa stature. S'ils avaient la même taille, il avait au moins le mérite d'être plus carré... Place au théâtre.

Et donc... Qu'est-ce qu'un Mordrak et une jeune « femme » comme vous faites ici ?

Avant que vous ne me répondiez, laissez-moi me présenter : Steeve Mcgall, soldat du Royaume et plus particulièrement affecté à cette zone.

Spoiler:

Hariaëlle tenta de cacher au mieux sa nervosité. Heureusement, grâce au mensonge du nain, on pourrait croire qu'elle craignait une attaque de rebelle. Ses prunelles dorées inspectèrent d'ailleurs les alentours avec attention, à la recherche de bandits tapis. Elle salua aussi le soldat lorsque les présentations furent de mises. Malgré tout, la jeune femme garda le silence tout au long de l'échange, même si l'insistance sur le mot « femme » la fit tiquer. Ce qu'elle avait hâte que son corps vieillisse un peu. Néanmoins, dans l'état actuel des choses... Cet air juvénile pourrait lui servir. Qui mettrait en cause les paroles d'une éphèbe à l'air si épuisé ? Un garde royal. Certes.

Pendant un instant, la blanche songea très sérieusement à se mettre à hurler et à accuser le Mordrak de l'avoir enlever. Il serait ainsi emprisonner, et elle aurait probablement une entrée gratuite à l'intérieur de l'avant-poste. Et puis, vraiment, le laisser moisir là comme un dommage collatéral ne la gênait pas, sur le coup : elle savait néanmoins que sa conscience la pousserait à le sortir du pétrin à la fin de la mission, et les ennuis reviendraient. Vraiment, une telle tactique ne ferait que compliquer la manœuvre.

La jeune femme aux allures d'adolescente se contenta donc d'adresser un sourire aussi doux que possible au garde, cherchant à venir toucher ses petites cordes sensibles. Elle chercha tout de même à garder un contact visuel. Au cas où.

Hugo et Miranda, je vais vous aider ! Je connais une auberge non loin d'ici où j'avais justement prévu de passer la nuit.

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