Ce matin-là, ce fut l’animosité de la maisonnée qui me tira de mon sommeil un peu plus tôt que je ne l’aurais espéré. Je devais bien me lever et aller faire mon faire mon travail, mais mon horloge biologique arrivait toujours à me réveiller à la bonne heure. Je n’étais donc pas de très bonne humeur que l’on me prive de ces quelques minutes de sommeil supplémentaire. Heureusement que j’aimais mon boulot, ce dernier arriverait certainement à me faire oublier cette manière peu conviviale de se faire réveiller. Mais pour l’instant, je devais apprendre ce qui causait tout ce brouhaha. Ouvrant la porte de ma chambre, je vis aussitôt deux servantes – une manière poli de dire esclave, dont j’avais une certaine réticence dire aussi ouvertement – passer en coup de vent devant moi. Ne sortant que la tête de l’embrasure, je les regardai s’avancer prestement jusqu’à l’une des nombreuses portes et y entrer sans même avoir cogné. Mais qu’est-ce que cela voulait dire? Depuis quand entraient-elles dans une salle sans avoir cogné ni attendre qu’on leur permettre de le faire? Décidemment, cela venait de piquer ma curiosité.

À pas feutré, silencieux comme pas un, je glissai sur le plancher du couloir jusqu’à me rendre à la mystérieuse salle où les servantes s’y promenaient comme bon leur semblait. Loin de moi l’idée de les remettre à l’ordre, je voulais simplement ce qui pouvait causer un tel manque de procédures, ma famille qui était si à cheval sur ce point-là. Avançant les derniers pas, je commençai à entendre des voix sortant de la salle et passai un œil afin d’espionner ce qui se passait dans la salle. Jamais je n’avais été autant déçu de ma vie. Au fond, je ne savais pas trop à quoi je m’attendais, mais ce n’était certainement pas à ça. En plein milieu d’un lit se trouvait Samira, la femme de l’un de mes frères, qui donnait l’impression d’agoniser. Samira avait toujours été le genre de femme qui fait un plat de la moindre affaire et qui avait tendance à exagérer à outrance, alors imaginez une fois qu’elle est tombé enceinte. Ce qui m’avait donc réveillé ce matin était Samira qui devait encore faire une grosse histoire du moindre petit mouvement qu’elle avait senti dans son ventre. Génial. Il était temps que je parte pour le boulot et que je quitte cette maison de fous.

Je soupirai de soulagement une fois que je me retrouvai dans la rue et que, le soleil caressant mon visage, je respirai pour la première fois de la journée l’air de l’extérieur. Ça c’était une façon de commencer la journée! Je ne restai toutefois pas immobile longtemps, le soleil était si intense qu’il pouvait rapidement brûler. Je pris alors le chemin du boulot et saluai les divers gardes en ronde que je croisai sur le chemin. M’assoyant à mon bureau, je me mis à la lecture des divers papiers sur mon bureau en commençant par ceux qui étaient les plus importants. C’était la routine que j’avais à chaque jour, je m’occupais de la paperasse ennuyante mais nécessaire la matinée ainsi j’avais le restant de la journée pour m’occuper d’autres choses qui pouvaient être plus distrayante et plus intéressante. Après tout, ce n’était en restant cloîtré dans un bureau que je pourrais tenir l’ordre dans le quartier!

Après plusieurs signatures et rapports plus tard, je ramassai les divers papiers et les cognai sur le bureau pour en faire une belle pile droite. J’ignorais combien de temps avait passé – le soleil s’était en tout cas bel et bien déplacé – mais c’était une bonne chose de faite. J’avais ainsi la conscience tranquille et pouvait aller m’occuper des futurs problèmes qui pouvait souvent surgir sur les quais. La plupart du temps, c’était le capitaine d’un navire qui ne s’entendait pas avec le capitaine de port affecté par la ville, mais cela pouvait être plein de choses! Chaque jour il y avait une histoire différente, c’était pourquoi j’aimais autant ce travail. Je marchai d’un pas plus rapide que je ne me rendis compte tant j’étais curieux de voir ce qui m’attendait au port et j’arrivai juste à temps pour l’arrivée d’un grand navire que je voyais pour la première fois. C’était une chose assez rare puisque ordinairement c’étaient toujours les mêmes bateaux qui accostaient. Aussitôt, je me sentis intrigué par ce navire et décidai que je m’occuperai personnellement de celui-là.

- C’est beau, messieurs; je m’occupe de celui-ci.

Au son de ma voix, les gardes qui regardaient eux aussi le navire sursautèrent et se retournèrent vers moi. Ces derniers s’inclinèrent aussitôt et filèrent continuer leur ronde. Je me rendis jusqu’au bord du quai et transmis message similaire au capitaine de port qui alla immédiatement vers un autre navire qui venait d’accoster un peu plus loin. J’attendis que le bateau cesse de bouger et qu’il soit solidement attaché par les membres de l’équipage. Puis, ce fut le tour de l’envoyé du capitaine qui sortit.

- Bonjours à vous, étrangers! Au nom de Jawhar, je vous souhaite bienvenu à la capitale.

Avant toute chose, la courtoise et les bonnes manières étaient de mise, surtout si c’était la première fois qu’ils venaient à la capitale. C’était également une bonne façon de commencer les négociations ou du moins un certain marchandage. Après tout, ce n’était pas gratuit d’amarrer son navire sur les bords de la ville elle-même!

Leur réponse fut tout aussi courtoise, acceptant avec plaisir notre accueil et l’hospitalité qui nous allions leur offrir. Toutefois, il y avait eu un détail que je n’avais pas calculé lorsque je m’étais avancé dans cette discussion : la lassitude des marins. En effet, après le long voyage qu’ils avaient fait, sûrement ne voulaient-ils pas s’empêtrés dans les formalités et pensaient qu’à sortir du bateau pour aller se reposer. Je le réalisai lorsque apparut derrière l’émissaire une épatante femme qui, que ce soit dans sa démarche que dans l’attitude que les autres marins avaient envers elle, devait sans doute être la capitaine de ce navire. Ce fut donc celle-ci qui prit le relais dans la conversation, étant sûrement plus à même de négocier pour le prix si besoin était. Cependant, j’avais comme hypothèse qu’ils ne rechigneraient pas trop longtemps sur le montant exigé vu comme il voulait en terminer aussi rapidement. Cela risquait d’être facile.

- Pas le moins du monde, je comprends tout à fait votre fatigue. Nous en viendrons donc droit au but. Une somme de trente béryls est demandé afin d’avoir un point d’ancrage à même le quai de Jawhar.

Je savais que le prix étonnait parfois certains, choquait d’autres et enrageait même quelques exceptions, mais je savais que ce navire avait largement les moyens de débourser une telle somme, on avait qu’à voir l’allure qu’il avait. Même que je me trouvai généreux de leur avoir laissé le prix de base, je savais qu’il était monnaie courante chez les capitaines de port d’ajuster leur prix selon l’allure des embarcations. Vous l’aurez deviné, plus c’est beau plus c’est cher pour amarrer. Peut-être était-ce la jolie capitaine qui me poussait à être dans ses bonnes faveurs. Un coin de ma bouche se releva un tant soit peu, amusé comme je l’étais par cette pensée. Ce n’était toutefois pas le moment de partager ce genre d’idée. Une fois la transaction complétée, je laissai les marins déchargés tout leur cargo alors que je les regardais faire. C’était quand même impressionnant les voir travailler aussi rapidement et avec un tel synchronisme. Lentement, je m’avançai vers la capitaine qui supervisait le déchargement.

- Si cela vous dit, je pourrais peut-être vous montrer un joli coin pour se détendre, avec de quoi manger, boire et se détendre.

J’ignorais d’où sortait cette proposition audacieuse, mais aussitôt que j’avais prononcé ces paroles j’eu aussitôt l’image de cette même place en tête. Peu importe ce qu’il faisait, mon cerveau savait où il s’en allait. De toute façon, j’étais forcé d’admettre que cela ne déplairait pas une soirée tranquille avec cette belle rousse le temps d’une soirée. Après tout, elle ne resterait probablement pas plus longtemps qu’une journée ou deux au quai. Autant en profiter pendant qu’elle était là.